Face à l’urgence climatique et à la dégradation alarmante des écosystèmes marins, le droit international se mobilise pour sauvegarder nos océans. Quels sont les instruments juridiques mis en place et comment évoluent-ils pour répondre aux enjeux actuels ?
Les fondements du droit international de la mer
Le droit international de la mer trouve ses racines dans la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM) de 1982. Ce texte fondateur, ratifié par 168 États, établit un cadre juridique global pour toutes les activités menées dans les océans. Il définit les différentes zones maritimes et leurs régimes juridiques, de la mer territoriale à la haute mer.
La CNUDM pose les principes de liberté de navigation et d’exploitation raisonnée des ressources marines. Elle instaure l’obligation de protéger et de préserver le milieu marin, jetant ainsi les bases du droit de l’environnement marin. Toutefois, face aux défis contemporains, ce texte montre aujourd’hui ses limites.
L’émergence d’un droit de la protection des océans
Au-delà de la CNUDM, de nombreux instruments juridiques ont vu le jour pour renforcer la protection des océans. La Convention sur la diversité biologique (CDB) de 1992 s’applique aux écosystèmes marins et côtiers. Elle vise à conserver la biodiversité marine, à utiliser durablement ses éléments et à partager équitablement les avantages découlant de l’exploitation des ressources génétiques.
Les conventions régionales pour la protection du milieu marin, comme la Convention OSPAR pour l’Atlantique Nord-Est ou la Convention de Barcelone pour la Méditerranée, complètent ce dispositif. Elles permettent d’adopter des mesures adaptées aux spécificités de chaque région maritime.
La lutte contre la pollution marine
La pollution des océans constitue l’une des principales menaces pour les écosystèmes marins. Le droit international s’est doté d’outils spécifiques pour y faire face. La Convention MARPOL (1973/1978) réglemente la pollution par les navires, tandis que la Convention de Londres (1972) et son protocole de 1996 encadrent l’immersion de déchets en mer.
Plus récemment, la problématique des plastiques a conduit à l’adoption de nouvelles réglementations. L’Union européenne a ainsi interdit certains produits plastiques à usage unique à partir de 2021. Au niveau international, des négociations sont en cours pour élaborer un traité juridiquement contraignant sur la pollution plastique, y compris dans le milieu marin.
La préservation de la biodiversité marine
La protection de la biodiversité marine est devenue un enjeu majeur du droit international. Les aires marines protégées (AMP) constituent un outil privilégié pour préserver les écosystèmes les plus fragiles. L’objectif d’Aichi fixé par la CDB visait à protéger 10% des zones marines et côtières d’ici 2020. Bien que cet objectif n’ait pas été atteint, de nombreux États ont créé des AMP de grande envergure.
La haute mer, qui représente près de la moitié de la surface du globe, fait l’objet d’une attention particulière. Les négociations en cours pour un traité sur la biodiversité marine au-delà des juridictions nationales (BBNJ) visent à combler les lacunes de la CNUDM en matière de conservation et d’utilisation durable de la biodiversité en haute mer.
La gestion durable des ressources halieutiques
La surpêche menace gravement les stocks de poissons et l’équilibre des écosystèmes marins. L’Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons (1995) vise à assurer la conservation à long terme et l’exploitation durable des stocks de poissons chevauchants et des stocks de poissons grands migrateurs.
Au niveau régional, les organisations régionales de gestion des pêches (ORGP) jouent un rôle crucial dans la régulation des activités de pêche. Elles fixent des quotas, des périodes de pêche et des zones interdites pour préserver les ressources halieutiques.
Les défis du changement climatique
Le changement climatique impacte profondément les océans, entraînant leur réchauffement, leur acidification et la montée des eaux. L’Accord de Paris sur le climat (2015) reconnaît l’importance des océans dans la régulation du climat et encourage les États à renforcer leur résilience.
La question de l’adaptation au changement climatique des zones côtières et insulaires fait l’objet d’une attention croissante. Le droit international doit évoluer pour prendre en compte les déplacements de population liés à la montée des eaux et la possible disparition d’États insulaires.
Vers une gouvernance mondiale des océans ?
Face à la multiplicité des enjeux et des acteurs, la mise en place d’une gouvernance mondiale des océans apparaît comme une nécessité. L’Objectif de développement durable 14 des Nations Unies, consacré à la vie aquatique, fixe des cibles ambitieuses pour 2030 en matière de conservation et d’utilisation durable des océans.
La création d’un tribunal international des océans, compétent pour juger les infractions au droit de la mer et de l’environnement marin, est régulièrement évoquée. Une telle institution pourrait renforcer l’effectivité du droit international des océans.
La protection juridique des océans a considérablement progressé ces dernières décennies, mais de nombreux défis persistent. L’élaboration de nouveaux instruments juridiques, l’amélioration de la mise en œuvre des textes existants et le renforcement de la coopération internationale sont essentiels pour préserver ce bien commun de l’humanité que sont les océans.